Edmond Rostand et Cambo-les-Bains
Arrivée à Cambo-les-Bains
Qui est Edmond Rostand ?
Figure incontournable de la littérature française, Edmond Rostand est l’auteur de pièces de théâtre devenues des classiques, dont la plus connue reste l’inoubliable Cyrano de Bergerac.
Après le triomphe de Cyrano de Bergerac et une ascension fulgurante, à moins de 30 ans, il est propulsé au cœur des mondanités, élevé au rang de plume nationale, représenté dans le monde entier et jouit d’un prestige sans égal ! Pourtant, il fuira son rôle public pour s’installer dans une somptueuse retraite basque, sa magnifique Villa Arnaga.
Né à Marseille le 1er avril 1868, Rostand se révèle dès son plus jeune âge un talent artistique. Après des débuts difficiles, son succès et sa fortune arrivent en 1897 avec la création de Cyrano de Bergerac, pièce qui le propulse au rang de célébrité nationale. Après Cyrano vient le succès de l’Aiglon et son élection à 33 ans à l’Académie française.
Mais, dans le même temps, fatigué et angoissé, Rostand contracte une grave maladie pulmonaire lors des répétitions de l’Aiglon. Il consulte alors le Professeur Grancher, ancien assistant de Louis Pasteur et grand spécialiste des maladies pulmonaires, qui lui conseille une convalescence à Cambo-les-Bains.
En 1900, Edmond Rostand découvre ainsi Cambo-les-Bains et le Pays basque, accompagné de Rosemonde, son épouse et de ses deux fils, Maurice et Jean. Le climat doux et la beauté sauvage de la région basque le séduisent immédiatement. Il y revient en 1902, après un bref retour décevant à Paris où il réside. Il décide alors de s’établir définitivement à Cambo-les-Bains en y faisant construire la maison de ses rêves.
Qui est Rosemonde Gérard ?
« Et comme chaque jour je t’aime davantage, aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain »
L’éternelle chanson – Les pipeaux – Rosemonde Gérard
Si vous connaissiez ces vers, saviez-vous que c’est l’épouse d’Edmond Rostand, Louise Rose Etiennette Gérard, surnommée Rosemonde, qui les a composés ?
En 1889, à l’âge de 24 ans, elle publie son premier recueil de poésies “Les Pipeaux”, qui sera couronné par l’Académie française. Mariée en 1890 à Edmond Rostand, ils ont deux enfants, Maurice et Jean. Subjuguée par le talent de son époux, elle choisit de sacrifier sa carrière pour servir la gloire de son poète, dont elle se sépare en 1913, avant de reprendre l’écriture. Rosemonde Gérard meurt à Paris le 8 juillet 1953.
La Villa Arnaga, le rêve d’un homme
La naissance d’Arnaga
Après des semaines de recherches, Edmond Rostand trouve l’endroit parfait pour ériger le futur domaine d’Arnaga, un éperon à la confluence de la Nive et d’un petit ruisseau, Arraga, dont il tirera son nom.
Une fois qu’Edmond Rostand a pris sa décision, tout doit aller très vite et la construction d’Arnaga frappe par sa rapidité ! Le 15 juillet 1902, la vente est entérinée et l’architecte désigné. Sur les conseils de son père, il fait appel à l’architecte Joseph-Albert Tournaire, Premier Grand Prix de Rome. La collaboration entre les deux hommes fonctionne parfaitement : dès mars 1903, les plans sont prêts, les entreprises choisies et les travaux commencent. Edmond Rostand s’investit pleinement dans la réalisation de ses jardins, allant même jusqu’à faire venir des fleurs par wagon depuis l’Exposition d’horticulture de Paris de 1906. Il ne faudra que 3 ans, de 1903 à 1906, pour que les idées d’Edmond Rostand se transforment en œuvre de pierre et de végétation.
Une architecture d’inspiration labourdine
Une maison de style néobasque
La Villa Arnaga ressemble à une ferme traditionnelle labourdine. Mais ne vous fiez pas à cette impression ! Si elle s’inspire de la maison typique de la région, les différences sont nombreuses.
Arnaga est en effet l’un des premiers modèles de l’architecture néo basque. Au début du XXe siècle, ce nouveau mouvement architectural transforme les fermes traditionnelles en demeures confortables et modernes pour les adapter aux progrès techniques et aux nouveaux besoins qui en découlent.
Faire entrer la nature dans les pièces, ouvrir de grandes baies de tous côtés, dessiner des loggias, des balcons destinés à « prendre l’air », tel est le nouveau programme de l’architecture néo-basque lié aux constructions balnéaires de la côte.
La Villa Arnaga était d’une modernité exceptionnelle pour le début du XXe siècle et traduit également l’attachement d’Edmond Rostand au courant hygiéniste du XIXe porté par les découvertes de Louis Pasteur : électricité dans toutes les pièces de la Villa, eau chaude, salle d’hydrothérapie, etc.
Des artistes reconnus
La décoration d’Arnaga
Rien n’est trop beau pour Arnaga ! Le confort le plus moderne, les trompe l’œil, les tissus précieux, les fresques des peintres à la mode, les boiseries et les laques de chine les plus rares. Décorée par le célèbre écrivain et poète lui-même, elle recèle des chefs d’œuvre artistiques conçus à ses mesures par les peintres de l’époque : Georges Delaw, Gaston la Touche, Clémentine-Hélène Dufau, Jean Veber, etc.
Notre coup de cœur ❤️
Recommandé par l’architecte Tournaire, Jean Veber (1868-1928) conçoit le décor féérique du boudoir de Rosemonde. Les contes de fées demeurent son sujet de prédilection. Ici, vous pourrez admirer la Belle au bois dormant, Blanche neige, le Chat Botté ou encore Cendrillon….
Un petit Versailles basque
Les jardins de la Villa Arnaga
Aux abords de sa spacieuse demeure, Edmond Rostand conçoit un ensemble de jardins s’étendant sur plus de 15 hectares. Son plus jeune fils, Jean, éminent biologiste et académicien français, disait du jardin d’Arnaga que son père « l’avait réellement créé de toutes pièces. Il en avait lui-même tracé tout le plan, avec minutie, avec amour, avec la même attention qu’il avait pour ses œuvres théâtrales ».
A l’est, où le soleil se lève, il donne naissance à un jardin « à la française », sublimé par les majestueuses montagnes Pyrénéennes en toile de fond. Une grande pergola semble clôturer l’espace du jardin. Trois espaces distincts composent cette peinture naturelle paysagée : un parterre de fleurs annuelles, un grand miroir d’eau où se reflète la maison et le grand bassin bordé de topiaires (plantes sculptés de manière décorative) et de pelouses.
A l’ouest, où le soleil se couche, s’épanouissait autrefois une prairie fleurie, aujourd’hui transformée en un jardin « à l’anglaise ».
Edmond Rostand s’investit pleinement dans la réalisation de ses jardins, allant même jusqu’à faire venir des fleurs par wagon.
Au cours du temps, les jardins d’Arnaga connaîtront diverses modifications : ajout du canal et de la pergola en 1912, modification des jardins par M. de Souza Costa auquel la famille a vendu Arnaga en 1923, installation de jets d’eau par la municipalité suite à son rachat du domaine en 1961, et restauration du jardin régulier entre 2012 et 2015.
La Villa Arnaga est labellisée « Jardin remarquable » et « Arbres remarquables ».
Arnaga, un jardin naît de terre
Le chantier d’Arnaga est en pleine effervescence. Terrassement, plantations, allées et plates-bandes prennent forme sous l’œil attentif des ouvriers. Rostand veut un jardin à son image, grandiose et immédiat. Exit les jeunes arbres ressemblant à des plumeaux, il exige des arbres matures pour donner à Arnaga l’allure d’un domaine centenaire. Des tilleuls âgés de quatorze ans sont déplantés et replantés, suivis de platanes, cyprès et ifs, et prennent le chemin d’Arnaga. Un spectacle étonnant pour les camboards que d’observer cette “allée marchante”, une procession d’arbres âgés, “trimballés comme des asperges” sur des chariots pendant un mois. Pari réussi, Arnaga semble sortir de terre, tel un château figé dans le temps, grâce à la vision ambitieuse de Rostand et au travail acharné des hommes.
D’après Paul Faure
Petite chronologie d’Arnaga
Début 1900, Edmond Rostand contracte une sérieuse pleurésie, durant les répétitions de l’Aiglon au théâtre Sarah Bernhardt à Paris.
Le Professeur Granchet, collaborateur de Pasteur et éminent membre de l’Académie de Médecine, lui conseille de venir se faire soigner à Cambo-les-Bains, petite station thermale au climat « toni-sédatif ».
Edmond Rostand et sa famille, constituée de son épouse Rosemonde Gérard et de ses deux fils, Maurice et Jean, s’installent à l’automne 1900, dans la Villa Etchegorria, le temps d’une guérison.
Tombé amoureux de Cambo et du Pays basque, Edmond Rostand revient en janvier 1902 pour s’y établir définitivement et y faire construire la maison de ses rêves. Commence alors la recherche de l’endroit idéal pour l’ériger…
Lors d’une promenade à cheval, Rostand découvre enfin l’emplacement parfait de sa future demeure, un éperon à la confluence de la Nive et d’un petit ruisseau, l’Arraga, dont le domaine tirera son nom.
Une fois que le poète a pris sa décision, tout doit aller très vite. L’acte d’achat est signé en juillet 1902 et l’architecte choisi. Il s’agira de Joseph Albert Tournaire, architecte de la Caisse d’Épargne de Marseille et Grand prix de Rome en 1888, qui se rend à Cambo dès août 1902.
Dès mars 1903, les plans sont prêts et les entreprises choisies : la future maison sera excentrée vers l’éperon afin de laisser un vaste espace pour les jardins.
Les travaux commencent et le terrain rapidement nivelé. Le chantier d’Arnaga fourmille d’ouvriers. Paul Faure raconte : « Il y a tant d’ouvriers, sur ce plateau encore si récemment sauvage, qu’on ne sait si c’est une maison qu’on édifie ou une ville. »
Durant toute la durée du chantier, Edmond Rostand et Albert Tournaire échangent par une correspondance presque quotidienne, des notes, des observations, des idées, des esquisses ou des croquis, pour améliorer les plans de la future demeure et des jardins.
La construction d’Arnaga étonne par sa rapidité. En 1906, Edmond Rostand, son épouse Rosemonde et leurs deux fils, Maurice et Jean, emménagent dans une maison encore en chantier, à décorer et surtout à meubler.
Il faut souligner, que pour l’époque, Arnaga bénéficie de tout le confort moderne possible : électricité, chauffage (calorifère), eau chaude, téléphone, etc.
Petite anecdote : en mai 1906, Rosemonde visite l’Exposition d’horticulture à Paris. Pour les jardins d’Arnaga, elle sélectionne des arbres extraordinaires ainsi que des plantes rares et uniques, comme le rhododendron de l’Himalaya, médaillé d’or, ou des iris japonais. Elle achète une telle quantité de plants pour Arnaga qu’un wagon entier sera nécessaire pour les transporter !
Edmond Rostand décède le 2 décembre 1918 de la grippe espagnole, à l’âge de 50 ans.
En 1922, quelques années après la mort du poète, dans l’impossibilité d’assumer l’entretien trop coûteux du domaine, sa famille se sépare du mobilier d’Arnaga lors d’une grande vente aux enchères qui dure 10 jours, puis, de la Villa Arnaga elle-même en la cédant à M. de Souza Costa, propriétaire des Thermes de Cambo, qu’il fera démolir puis reconstruire 200 mètres plus loin en 1930 dans le style Art Déco par l’architecte Henri Sajous.
Le 29 septembre 1961, la municipalité de Cambo-les-Bains achète la Villa Arnaga à son second et dernier propriétaire, Madame Flaisman. La demeure est vide de tout meuble et a perdu une partie de ses décors d’origine.
Depuis son rachat en 1961, la Municipalité s’efforce de redonner vie à la Villa Arnaga. Par des dons de la famille Rostand, de particuliers, d’achats en vente publiques, la maison retrouve progressivement une part de son lustre. L’équipe de conservation de la Villa Arnaga mène, encore aujourd’hui, un travail d’investigation minutieux à partir de l’inventaire de 1919 ou de photos d’époque, afin de remeubler la maison de manière similaire à celle de l’époque des Rostand.
En 2023, 60 pièces du Mobilier national sont venus étoffer la collection de la Villa Arnaga, dans le cadre d’une convention de dépôt.
La Villa Arnaga est aujourd’hui le Musée Edmond Rostand. Elle est classée Monument Historique et est labellisée Musée de France, Maison des Illustres, Jardins remarquables et Arbres remarquables.
Informations pratiques
La Villa Arnaga est ouverte du 24 mars au 3 novembre 2024.
Tél : +33 (0)5 59 29 83 92